[ anselmo roveda ]
Giufà le sot et la vente de l'âne
Anselmo Roveda
traduction : Elisabeth Lesquoy
On racontait jadis, et l'on raconte aujourd'hui encore....
que Giufà le sot avait un beau jour décidé de vendre son âne.
Mais l'âne de Giufà commençait à être tout vieux et tout faible.
Giufà le sot se rendit donc au marché et confia son affaire à un marchand. Le marchand commença à faire le tour du marché et des rues de la ville en essayant de vanter les qualités de l'âne. A chaque coin de rue il criait :
" Un âne incroyablement fort ! Un âne gentil et doux, obéissant et travailleur ! Achetez ce bel âne !"
Mais quand le marchand arriva près de chez Giufà, ses voisins reconnurent l'âne et se mirent à rire et à se moquer du vendeur :
" Tu parles d'un bel âne ! C'est l'âne de ce sot de Giufà : il veut le vendre parce qu'il est tout vieux et mal en point, tu parles d'un âne fort et obéissant, il est faible et têtu !"
En entendant parler ainsi les voisins de Giufà, les gens qui commençaient à s'intéresser à l'âne s'éloignèrent : il faut bien dire que tout le monde veut éviter de faire une mauvaise affaire.
Alors Giufà le sot descendit dans la rue, et, inquiet de la tournure que prenaient les évènements, il se mit à parler haut et fort pour retenir les gens, et il disait :
"Mais qu'est-ce que vous racontez là ? Ce n'est pas du tout mon âne, ça. Cet âne est vraiment beau et fort, et il a même un regard intelligent et obéissant. Ça m'arrangerait bien d'avoir un tel âne. Je dirais même plus, je suis là justement parce que les qualités de cette belle bête m'intéressent !"
En entendant Giufà parler ainsi, les gens qui s'étaient éloignés revenaient et semblaient de nouveau intéressés par l'âne : il faut bien dire que tout le monde a envie de faire une bonne affaire.
Et on commença à discuter prix autour de l'animal.
Giufà le sot pensa que, peut-être, il pouvait vraiment faire une bonne affaire, et il se mit à faire lui aussi des offres, pour faire grimper le prix de l'âne.
Mais, petit à petit le prix grimpait vraiment, et les gens commencèrent à s'éloigner.
Giufà le sot, resté seul avec le dernier acheteur potentiel, et pour essayer d'arracher un prix encore plus élevé, fit une nouvelle offre. L'autre, trouvant le prix proposé par Giufà bien trop élevé, abandonna la partie.
Et c'est ainsi que Giufà le sot fut obligé d'acheter l'âne qu'il voulait vendre, en le payant vraiment très cher.
(Sicile)
extrait de:
Le chameau qui savait lire. Contes et récits populaires de la Méditerranée, par Anselmo Roveda
[Il cammello che sapeva leggere. Favole e racconti popolari del Mediterraneo, in uscita a maggio 2007 per Terre di Mezzo, Milano]
Traduction : Elisabeth Lesquoy
Lu en avant-propos: Strasbourg, 16 mars 2007